La voix lactée, la voie d'acteur

 

      par Patrick Boutin

 

S'il faut dix minutes pour faire un mauvais comédien, comme disait Coluche, il a fallut de longues années de confrontation avec le public et les caméras pour que Frédéric Buret mette à l'épreuve dans la célébration de ses multiples talents sa passion pour les rythmes chaloupés de la bossa dans ses mélodies jazzy de crooner à la française (distelien presque) et son allant nonchalant de promeneur solitaire sur les pavés des bonnes inventions de la ruche parisienne pour faire rimer la geste de l'auteur avec le geste de l'acteur.

 

 Séléné voit en cet Endymion interlope au sommeil léger et à la voix qui a vendu son charme au diable un félin qui feule comme un couguar à guitare qui fait la nique opportune aux hits dans la balance qui pèse l'âme des feintes. Pour notre artiste vagabond,  parmi les cœurs en friches, la sienne est plus légère qu'une plume, celle d'un séraphin qui sert enfin à boire à la dive bouteille aux esgourdes attentives. Rappelons nous que Gargantua est né d'une « aureille ». Celle de Frédéric Buret est-elle absolue ? En tout cas, elle en a soif !

 

 « Frédéric : toujours le temps entre soi et ce qu'on veut », disait Sagan. Notre swinger des vocalises irise le ciel parme du couchant d'un désinvolte-face à face avec un infini de douceur ! Bonjour tristesse ? Bonsoir liesse ! Tout ici est codé dans la grammaire des hymnes éthérées qui dressent un autel du libre échange à l'Apollon musagète qui guide l'âme des poètes, longtemps longtemps avant qu'elle n'ait disparue ! C'est le chant du signe et l'exaltation du faune jamais aphone. La parole est d'or et celles de Frédéric Buret s'envolent comme de petits archanges des rapsodes, jamais frelatées , mais folâtres, et sentant bon le nard et le rogomme !

 

Sa liqueur vocale jamais aigrie grise à l'église des aigles des insomnies où lutte Pan serinant à la flûte. Le bec piochait au foie de Prométhée la promesse de nous éclairer d'un feu horripilant la connaissance. Comme dirait Claudel, c'est la « co-naissance » qui vibrillone aux cordes de l'instrument qui nous émeut et invite aux danses. Et le feu de notre artiste protéiforme : il est sacré ! C'est celui qui rend torride le jeu de l'acteur et qui d'une étincelle allume un bûcher contre les sorcelleries des tubes d'Astaroth qui nous rendent sourd  à la délicatesse des cierges des hymnes dressés comme des I, celui de l'isthme qui unie l'homme et son talent !

 Comme le conseille La Fontaine, Frédéric Buret ne force pas son talent : il fait donc tout avec grâce ! La grâce, parlons-en : c'est un état et c'est un exercice. Le travail fait tout. Il faut sans cesse descendre la gamme et l'amalgamer à la pratique qui guide les velléités. Il faut raboter le manche de sa gratte pour avoir une planche lisse comme un surf. Les rouleaux après le boulot ! Roch Voisine a tort : la guitare peut remplacer une femme, d'ailleurs elle en a le galbe et elle frissonne quand on la caresse ! Avec ses cordes, il ne faut pas se pendre au sérieux. Il faut en tirer un orgasme : amours, délices et orgues ! Il faut s'engluer dans son miel et lui faire piquer un fard : lui faire l'amour ainsi c'est une façon de la faire chanter. Certains sont des maîtres-chanteurs !

 

Fred of Paris a d'abord été le pseudo qui a fait découvrir aux apéros concert du Théâtre de Chaillot, du Sénat, au Théâtre Trévise... les cordes qu'avait à son arc ce Guillaume Tell charismatique qui à l'arbalète de ses cordes vocales faisait vibrer sa pomme d'Adam comme un fruit défendu dans la corbeille des applaudissements survoltés et si mérités.

 

Et puis, l'acteur est venu, il avait son mot à dire, des tirades à scander dans les riffs et les oufs de Platon, de Molière et les comédies bien contemporaines de Jacques Weber et celles du Splendid. Le rire était de la partie, sans lasser d'adresse ! Adimante ou Preskovitch : même combat ! Le cinéma dit on est une grande famille, Frédéric Buret en est le fils adoptif : il a croisé Spielberg, Jeunet, Yann Moix et tant d'autres... Il affute ses armes avec art et âme, comédien multiple et adepte de l'axiome éprouvé de Léon Lemmonier : « Les autres me voient, donc je suis... »

 

J'écris ces mots en toute candeur  (je suis du parti de Voltaire) : sans passer du cirage, je n'aime pas les souliers qui brillent ! Car je l'ai dit, Frédéric Buret a le talent multiple : auteur, compositeur, interprète, acteur..., mais je dois avouer que la qualité première de l'homme qui délie les secrets de la divine comédie sous les volutes des nuées (Dieu est un fumeur de Gitanes) est bien entendu celle qui aujourd'hui me fait répondre présent pour dresser ce petit portrait à ma manière : le talent de l'amitié est celui qui fait de Frédéric Buret un authentique satellite de la résolue obédience à la grâce ! Le reste n'est que littérature...